Il n’est pas courant qu’un distributeur prenne spontanément la défense de son ou ses fournisseurs.
Pourtant, le SDLC, Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels et les enseignes qu’il représente ne peuvent rester
muets devant les bras de fer qui se jouent, d’un côté entre Hachette et Amazon, de l’autre entre les petits (et
moyens) éditeurs de musique et YouTube (et par là même Google)
Il ne faut pas croire que les combats qui se mènent en ce moment ne nous concernent pas : qu’on le veuille ou non,
ces deux entreprises américaines font aussi leur business en France, et il y a gros à parier que les décisions prises sur
d’autres territoires feront sans doute autorité bientôt sur le nôtre.
Les déboires de la filiale américaine d’Hachette avec le géant de la distribution ont déjà été largement commentés.
Rappelons que, pour faire pression sur son fournisseur et obtenir de meilleures conditions, Amazon a, dans un
premier temps, imposé des délais de livraisons très supérieurs à ses normes sur les livres d’Hachette avant de
supprimer tout simplement la possibilité de commander certaines nouveautés majeures.*
Les différents entre éditeurs et distributeurs se jouent souvent à coup de menaces et de mesures de rétorsion. Le
niveau atteint aujourd’hui entre ces deux titans n’est qu’un épisode de plus de leur lutte : mais il montre aussi le
niveau de détermination d’Amazon à faire plier ses fournisseurs et n’augure rien de bons pour ceux, qui plus petits
et sans les moyens d’Hachette, n’auront pour solutions que de se plier, de bon ou mauvais gré.
De son côté, YouTube qui prépare sa plateforme de streaming musical, négocie durement les droits avec les éditeurs
indépendants de l’UPFI et du WIN (World Independant Network) en proposant des montants inférieurs de 10% à
ceux de Spotify, eux même parmi les plus bas du marché. A ceux qui ne passeraient pas sous ces fourches caudines,
on propose (ou menace) de retirer le catalogue de l’offre !**
Personne n’est dupe et ne pense que ce soit dans un souci du consommateur et de ses avantages que ces géants du
Web US se battent aujourd’hui. Ils se battent pour eux et pour une amélioration de leurs revenus. Mais les
conséquences ne se verront pas qu’à la Bourse. Les retombées seront multiples et nous concerneront.
Au premier chef, les éditeurs seront fragilisés et risquent de perdre une partie des moyens qui leur permettent de
faire leur métier qui est notamment de faciliter l’émergence de nouveaux talents.
La menace de voir ces mêmes éditeurs chercher à compenser leur manque à gagner sur leurs autres clients est
importante, au risque de fragiliser cette fois-ci les réseaux de distribution, qu’ils soient indépendants ou organisés.

Quant à Amazon et à Google, ainsi renforcés, ils auront encore davantage de moyens pour conforter leur rouleau
compresseur marketing, pour vendre à faible marge ou à perte, pour consolider leur stratégie de dumping et écraser
toute concurrence. Au passage, les auteurs et artistes indépendants, moins bien rémunérés, auront bien du mal à
survivre !
C’est toute la filière des produits culturels qui s’en trouvera menacée !
A l’arrivée, moins de concurrents et des fournisseurs affaiblis : les prix peuvent remonter, au détriment du
consommateur qui n’aura plus de recours !
Est-ce bien là ce que nous voulons ?
Nous défendons la diversité de l’offre et de sa diffusion, nous voulons renforcer nos réseaux pour garantir au
consommateur le choix le plus large.
Nous exprimons, sans ambigüité et sans naïveté, notre solidarité avec nos fournisseurs dans ces combats et nous
attendons des pouvoirs publics, des filières métiers et des consommateurs, une juste prise en compte des risques
qui menacent notre métier qui est aussi celui de la diversité culturelle et de la liberté d’opinion.

*Le Figaro du 26/05/2014 – Livre Hebdo du 16/05/2014
** Les Echos du 26/05/2014